Il ne s'agit pas d' un temple ancestral Maya revisité aux normes PMR, avec ascenseur et couloirs larges.
Cela tient dans la poche, fait office de GPS si on est paumé à un moment de sa vie et en plus,
c' est réutilisable.
J'ai nommé «les quatre accords toltèques» de Don Miguel Ruiz. Quatre accords majeurs, qui peuvent suffire à jouer la gamme de l'existence.
Découverts il y a plusieurs années, ils font partie de ma boîte à outils, au même titre que mes bâtons de marche, mes orthèses mécaniques et mon fauteuil.
L'apparente simplicité de ces préceptes cache une réelle complexité et une belle puissance de mise en acte au quotidien.
Si l'on part du principe que notre réalité est en grande partie celle que nous nous créons, notre pouvoir de penser, parler et d'agir est un véritable atout ou...un gros boulet.
Je me suis amusée à illustrer ces accords toltèques à la lumière de situations liées au handicap/ la maladie, hors de toute référence déiste parfois présente dans le livre.
Accord numéro1: «Que votre parole soit impeccable».
Rien que ça...
Les mots peuvent autant blesser qu' apaiser. Accordons leur donc l'importance qu'ils méritent, sans se cacher derrière les planques habituelles qui commencent par «ouimais» :
«Oui mais je ne vais pas me laisser marcher dessus , non plus!»
( Personne ne te le demande, en fait. Entre paillasson et hérisson, il y a de quoi faire et on peut dire les choses clairement, sans agresser en retour).
«Oui mais les autres ne se gênent pas pour nous dire nos 4 vérités.»
( Ce ne serait pas un petit peu facile comme planque? Si on pousse le raisonnement, imitons tous la partie sombre de chacun et le monde sera une jungle non régulée).
«Oui mais il/elle a besoin d'entendre ça, quand même!»
( Alerte rouge «forfait premium»: mauvaise foi / jugement / de quoi je me mêle/qu'est ce que j'en sais – on file direct au pieu sans manger.)
Place aux travaux pratiques - scène 1 (pas vue à la télé mais vécue dans la rue):
Une femme à la démarche hasardeuse se meut* sur le trottoir avec 2 bâtons de marche
(*vu la manière dont elle traîne les jambes, on ne peut pas considérer qu'elle marche vraiment). Nous sommes en octobre et il fait 16 degrés. Un commerçant fume sa clope devant son magasin, en discutant avec un client.
«Eh ben, regarde ! En vl'a une qui se croit aux sports d'hiver! Ah ah!».
Rire-barquette de frites ( c'est à dire gras).
Yeux – poisson mort ( c'est à dire vitreux- Il vend des vins et spiritueux, il y a peut-être un lien). Un vrai menu "fish and chips" en quelque sorte.
La femme tourne la tête, croise son regard (qu'il baisse assez vite) et voit défiler le bandeau habituel des réactions possibles, comme à la caisse «handicapés et moins de 10 articles».
Cartouche 1: «Pauvre mec, t'as vraiment un humour de merde». Hérisson
Cartouche 2: «Silence». Paillasson - (Est-ce donc vraiment une cartouche? Oui, envers soi-même peut-être).
Cartouche 3:«Et oui, je prépare les championnats du monde de ski sans neige, en handisport...
4/ … gros tocard!» ( là , ça défile tout seul, je n'ai plus la main mais je vais aller me laver la bouche).
La femme, un peu décontenancée quand même, prend l'option de l'humour non pas pour le ménager, lui (elle n'en est pas encore là ), mais pour se faire rire, elle. Pas envie de ressasser cette scène désagréable le reste de la journée et de se polluer avec une énergie qui n'est pas la sienne. Ce sera donc la 3, votre Honneur, sans l'additif de la 4, qui annule tout.
On va dire que l'exercice est à moitié réussi car pour cette première fois, des pensées agressives ont parasité le message (hou, la vilaine).
La femme a ,en plus des options cartouchières, imaginé entrer dans le magasin avec ses 2 bâtons pour faire valdinguer les bouteilles de Champagne, façon «scousez moi, chuis maladroite». Mais ça n'a duré que 2 secondes, Monsieur le Juge.
Elle fut aidée dans sa démarche de «pas de côté» humoristique ( j'adore l'idée du «pas de côté» au sens figuré quand on n'arrive pas à marcher droit au sens propre) par l'Accord Toltèque numéro 2, qui arrive donc en cadeau bonus ici: «Quoi qu'il arrive, n'en faites pas une affaire personnelle ».
En effet, le commerçant au rire gras et à l'humour douteux parle plus de lui que d'elle, dans l'histoire. Si ça se trouve, il a eu une nuit difficile, un réveil plombé, un coït interrompu.
Peut-être est-il préoccupé par la situation du Yémen, de Taïwan ou de l'Ukraine...
Qui sait s'il a besoin d'évacuer un trop plein de tension lié à une intense activité bénévole en faveur des chiens abandonnés?
Bref, je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, cela lui appartient et ses propos aussi , d 'ailleurs. Je me doute juste qu'il ne s'est pas réveillé ce matin en se disant qu'il allait rigoler d'une personne handicapée.
C'est juste un mélange de contexte et de maladresse. Et je peux aussi me donner le droit de ne pas être susceptible.
Bref, extrapolons: si on me traite de connasse, c'est peut-être vrai mais il y a aussi quelque chose à investiguer du côté de l'émetteur et de ses mécanismes projectifs, comme dirait un psy de l'Ecole de la Cause Freudienne.
La résurgence d'une blessure spécifique, dirait la canadienne Lise Bourbeau .
«C'est celui qui l'dit qui l'est», diraient mes anciens élèves de primaire.
D'où la parole impeccable, qui laisse la patate chaude là où elle est – du côté de l'émetteur- et évite sa circulation en terme d'énergie négative .
Personne n'est réductible à ce qu'on dit de lui et nos paroles sur les autres en disent long sur nous- mêmes. Pour enlever du pouvoir à une insulte ou un propos désobligeant, « il suffit» ( pas si fastoche, en vrai!) de ne pas prendre la charge négative, de la laisser à l'envoyeur. L'humour -pas pour blesser mais pour rire de la situation, nous inclus- est un antidote puissant.
L'autodérision désamorce, déplombe, allège et rend la vie plus douce.
C'est sympa de faire du ski sans neige, en fait.